- Bonjour Stéven, peux-tu te présenter ?
J’ai 33 ans et je suis le fondateur de SurfME, une application mobile type réseau social alliée à un web magazine, dédiés tous les deux à la communauté du surf. J’ai choisi d’aller vivre à Biarritz pour être au plus près de cet univers qui me passionne.
- Peux-tu nous parler de ton parcours et de ce choix de vie?
Après un master 2 en droit des affaires internationales, spécialisé en fiscalité, j’ai tenté le barreau pour la 2ème fois et je ne l’ai pas eu. Avant de me relancer dans une troisième tentative, j’ai réfléchi et je me suis rendu compte que j’avais idéalisé le métier d’avocat, qu’il fallait vraiment être prêt à faire de nombreux sacrifices pour y arriver et qu’à ce moment-là, je rêvais plutôt de ciel, de surf et de Californie 😉
J’ai décidé de faire une pause pour prendre du recul et j’ai enchaîné les petits boulots, comme voiturier-bagagiste à Dinard. Cela m’a permis de réaliser le plaisir que j’avais à vivre au bord de la mer, à pouvoir souvent surfer.
En 2010, au cours d’un dîner chez un copain, quelqu’un m’interpelle et me demande si j’ai une copine. Je lui réponds que non et il me dit en rigolant « mais vas-y, qu’est-ce que t’attends, créé un site de rencontre pour surfeurs-surfeuses ! ». Cela a fait un déclic chez moi et m’a donné l’envie d’aller au-delà, de créer un réseau social dédié à cette communauté, car cela n’existait pas. On a commencé à plancher là-dessus tous les lundis soirs avec ceux qui étaient présents ce soir-là.
Le problème, c’est que la vision que j’avais du projet nécessitait un vrai investissement (en temps et en argent). Et en plus, en face de nous, le seul réseau social qui existait, c’était Facebook, donc cela impressionnait. Mais l’idée était née, le concept était là.
J’ai voulu tenter de travailler dans le droit, pour m’assurer que cette vie là ne me convenait absolument pas, car j’avais bien conscience que si je me lançais dans mon projet, cela n’allait pas être facile. Je voulais être certain d’aller jusqu’au bout de mon engagement.
J’ai trouvé du boulot chez KPMG au Luxembourg. En arrivant là-bas, j’ai tout de suite compris que ce ne serait jamais fait pour moi, mais j’ai choisi de rester pour mettre un peu d’argent de côté et avoir une vraie expérience professionnelle d’au moins deux ans.
Au final, ce n’était pas inintéressant, c’était une grosse place financière et une bonne formation, je travaillais mon anglais, j’avais un bon salaire qui me permettait d’aller surfer régulièrement en Bretagne, aux Canaries, au Maroc…Je préparais mon projet doucement, je prenais des contact, je constituais mon équipe, je réfléchissais à tout ce qui allait se passer, je tendais l’oreille. Je bossais sur la fiscalité mais ma tête pensait SurfME.
Cela prenait place jusqu’au jour où j’ai décidé de me lancer vraiment. En juin 2012, j’avais mon équipe, en février 2013, je donnais ma démission. J’ai négocié pour toucher quand même mon chômage. L’idée de quitter un job si bien payé, dans une boite si prestigieuse, en pleine période de crise, pour créer un réseau social dans le surf paraissait totalement suicidaire surtout qu’à l’époque le surf était beaucoup moins démocratisé qu’aujourd’hui. Mais l’envie était là et le potentiel aussi car le surf a toujours évoqué des thèmes qui nous touchent tous aujourd’hui : le bien-être, l’environnement, la liberté, la flexibilité. Une image marketing d’ailleurs largement exploitée par des marques de toutes horizons : BMW, Chanel, Samsung…
Depuis l’âge de 15 ans, j’ai toujours rêvé de vivre à Biarritz, qui était la French California pour moi, mais ce n’était pas évident, car intérieurement j’avais peur d’aller me confronter à toutes les enseignes de surf qui étaient là-bas, de me faire juger par mes pairs. Mais la région Aquitaine est la 1ère région européenne de la glisse. Au-delà du lifestyle qui m’attirait, c’était là où je devais être. A l’époque j’avais entendu parler d’une pépinière d’entreprises spécialisées dans la glisse (OLATU LEKU) alors je me suis renseigné et c’est là bas où j’ai présenté pour la 1ère fois officiellement mon projet à des membres de la CCI de Bayonne, à des écoles, à des entreprises de communication…J’ai pu avoir une boîte postale pour mon siège social sur place.
Je me suis installé officiellement à Biarritz en janvier 2014, avec mon ami JB qui était sur le projet depuis le départ.
Les boîtes locales, les médias liés au surf, voire les surfeurs eux-mêmes, étaient assez sceptiques face à ce projet. Cela m’a un peu déstabilisé, mais je restais convaincu par mon idée car le surf se digitalisait et se démocratisait de plus en plus. Je tissais mon réseau et j’ai rencontré notamment des fonds d’investissement, qui ne voyaient pas l’intérêt de mon projet et trouvaient l’idée un peu mégalo sans réellement m’en dire plus. Moi, j’y croyais dur comme fer.
J’ai rencontré ensuite des investisseurs privés, qui ont mis de l’argent dont je me suis servi pour développer le site, l’application, la communication.
Puis j’ai rencontré Andrew Paterson, canadien et ancien de chez Quicksilver Europe, consultant dans le développement des startups, sous les conseils de mes premiers investisseurs. Il s’est intéressé à mon projet et m’a proposé de m’accompagner. Je le voyais tous les mercredi et il me guidait, me cadrait. Il a cru en moi. Il m’a notamment conseillé de créer un blog, puis un webmagazine, tout en gardant mon point de vue, mon identité. Quand j’ai vu que cela prenait, cela m’a donné la confiance.
Au début, j’écrivais des choses assez lisses, et maintenant, je prends position sur certains sujets, certaines polémiques. Je n’hésite pas à lancer des débats pour donner une âme à ce que je fais. D’ailleurs, plus ça allait, plus je me prenais au jeu et j’avais envie d’aller au contact des gens et j’ai commencé à me lancer dans des interviews ; la première fois que j’ai acheté un micro, je me suis senti un peu idiot, mais très vite j’ai trouvé comment l’exploiter.
Puis on m’a appelé de plus en plus sur des événements, je sentais que je les intéressais, car j’étais sans filtre et que je commençais à avoir pas mal d’audience.
Aujourd’hui dans la boîte, il y a moi, JB, Seb (notre technicien qui développe l’application) et 5 investisseurs financiers.
On est en train de faire converger le webmagazine (nourri par notre équipe) et l’appli (nourrie par la communauté de surfers). J’alimente aussi une page Facebook. Ma ligne éditoriale c’est le surf, mais avec tout ce qu’il y a autour : le lifestyle, l’environnement, les positions politiques, la musique…La communauté s’ouvre à beaucoup de monde, notamment aux femmes. Il y a 3000 à 4000 personnes qui suivent l’appli et 13 000 personnes sur Facebook. Le webmagazine fait 25 000 vues/mois.
Selon moi, le vrai potentiel n’est pas dans le webmagazine mais dans le réseau social, qui s’alimente de lui-même.
- A quels obstacles as-tu été confronté ?
A moi-même d’abord, en me découvrant entrepreneur, journaliste mais aussi quelque part homme public.
Le deuxième blocage a été l’opinion des gens autour de moi ainsi que mon héritage social. Cela m’a freiné, mais m’a permis de réfléchir à ce que je voulais vraiment. Moi qui ai des liens forts avec ma famille, cela m’a obligé à m’assumer, à devenir un homme et ça c’est long, c’est dur.
- Comment surpasses-tu tes moments de doute ?
Grâce à mes amis. Je les appelle régulièrement, je leur confie tous mes doutes. Ils sont à l’écoute de ce que je leur raconte.
Une fois, je me suis réveillé zombie, je ne voyais plus que 4 murs autour de moi, et je me suis dit que ma vie était foutue. Je ne pouvais plus parler aux gens et je ne voyais plus de sortie de secours. Cela a duré quasiment 48h. C’était suite à des remarques d’un potentiel investisseur, qui m’avait fait comprendre que mon projet n’avait pas d’avenir, que je ne pourrai jamais gagner ma vie avec ça. Je ne sais pas pourquoi mais cela a eu un impact environ un mois après. J’ai appelé mes amis, j’ai vu que mon discours ne tenait pas la route. Le fait d’en parler m’a permis d’aller mieux et de repartir de plus belle.
- Qu’est-ce que cela exige ?
Cela demande de résister à la pression sociale : je vois tout ceux autour de moi qui fondent des familles, qui ont des situations stables, avec des boulots rémunérés. Il faut lutter contre un système, et encaisser les peurs que cela engendre. Mais heureusement ici à Biarritz, nous sommes pas mal à vivre comme ça, de surf et de petits boulots, donc c’est moins violent qu’autre part.
- Quels sont le(s) moment(s) clé(s) dans ta vie qui peuvent expliquer ton choix ?
Je pense surtout à 3 étapes : la soirée « déclic » qui m’a donnée l’idée de fonder SurfME, la confrontation avec le monde professionnel de la finance au Luxembourg et mon arrivée en région Aquitaine, qui m’a confortée définitivement dans ma décision.
- Quelles sont les valeurs qui guident tes décisions?
La liberté et l’authenticité : être vrai vis-à-vis de soi-même.
- Enfant, comment voyais-tu ta vie d’adulte ?
Je me voyais entrepreneur. Je me souviens du père d’un ami qui me faisait rêver, j’enviais sa liberté et sa qualité de vie.
- Quelles sont les rencontres qui t’ont fait le plus avancer dans ton parcours ?
Toutes les rencontres que j’ai faites m’ont fait avancer, mais Andrew Paterson a été une personne clé.
- Quelles sont les leçons que tu as retenues ces dernières années ?
Ecouter son instinct, ne pas refouler les choses et rester fidèle à soi-même. Il faut entendre les autres, écouter leur avis, mais après, il faut faire le tri. J’essaye de rester authentique dans mes choix, mes articles, mes rencontres.
Pour aller plus loin :
1 commentaire
BUET · 19 février 2018 à 3 h 52 min
Très beau reportage et bravo à Steven ! Longue vie à SURFME