Le Rallye Aïcha des Gazelles, c’est :

  • 165 équipages, 16 nationalités, 100% féminin, au Maroc
  • 4 catégories de véhicules : 4×4/camions – Quads/SSV – Crossover/crossover hybride – E-Gazelle (voitures électriques)
  • un prologue et 6 étapes en hors-piste, dont 2 d’entre-elles durent deux jours
  • uniquement à l’aide d’une boussole et d’une carte, sans GPS
  • mêmes règles qu’une course d’orientation : l’équipe gagnante est celle qui comptabilise le moins de bornes à l’odomètre (compteur kilométrique)  entre les points de contrôle dans un délai donné; ce n’est donc pas la rapidité qui prime
  • des points de pénalité appliqués en cas d’assistance technique et de non respect du règlement sportif (retard sur la ligne de départ par exemple)
  • une course composée d’équipes « expertes » et « premières participantes » mais un seul classement
  • des équipes géo-localisées par satellite en permanence
  • une association « Cœur de Gazelles », reconnue d’intérêt général, qui permet le financement d’une action médicale, sociale ou éducative au Maroc via leur propre caravane qui se déplace dans les villages, avec une cinquantaine de médecins. Sur l’édition de 2018, 8500 personnes ont reçu des soins médicaux gratuits.
  1. Bonjour Anne, peux-tu te présenter ?

J’ai 4 enfants de 7 à 18 ans et j’habite à Nantes. Je suis ingénieure télécom au départ, puis je suis partie dans l’enseignement après la naissance de mon troisième enfant. Je reviens de la 28èmeédition du Rallye Aïcha des Gazelles, qui est le premier rallye-raid hors-piste 100% féminin au monde. Il a eu lieu du 16 au 31 mars dernier.

  1. Peux-tu nous parler de ton parcours et plus précisément du Rallye Aïcha des Gazelles?

Après 10 années en tant qu’ingénieure, j’étais en quête de sens dans mon travail et je me demandais où cela allait me mener. Un plan social m’a permis de changer de voie. J’étais curieuse de découvrir un autre monde.

J’ai rencontré une institutrice à une soirée et on est restées toutes les deux à parler pendant des heures. C’était une reconversion pour elle aussi, et elle était emballée. Cela m’a piqué et puis moi, une fois que cela me pique, je me lance ! J’ai fait des suppléances, j’ai eu le concours et c’était parti. J’ai découvert de nombreuses écoles, urbaines et rurales, et à chaque fois les problématiques étaient différentes. J’ai beaucoup aimé cette diversité. Je me souviens en particulier d’un établissement qui enseignait le breton. Il y avait une liberté, une grande ouverture, des décisions prises très vite et un travail abouti.

Puis j’ai découvert le monde des neurosciences avec notamment la gestion mentale, une méthode qui permet à tout apprenant de prendre conscience de son savoir-faire cognitif. Une démarche basée sur la bienveillance et qui met en lumière le potentiel et les projets de sens de tout individu qui a envie de mieux apprendre. Cette nouvelle découverte m’a permis de réaliser que chacun avait son propre itinéraire mental et qu’avec cet outil, il n’y avait pas de limites à l’apprentissage. Je suis convaincue que apprendre rend heureux et a contrario que ne pas pouvoir apprendre rend malheureux.

Les souffrances au travail ou à l’école (burn-out et phobie-scolaire) viennent pour moi d’une méconnaissance et d’une non prise en compte de la diversité cognitive. Cela fait des enfants et/ou des adultes en mal-être car non rejoints dans leur singularité, et qui ont souvent peur d’apprendre.

J’ai suivi une formation d’une année sur Paris en gestion mentale, j’aimerais aujourd’hui continuer dans cette voie et accompagner des apprenants à se découvrir sur le plan cognitif. Apprendre ne se voit pas. La gestion mentale permet de rendre visible les habitudes mentales et de prendre conscience de tout ce qui se passe dans la tête en situation d’apprentissage. C’est passionnant et je suis émerveillée de découvrir tant de richesse.

Apprendre, c’est mieux comprendre le monde et gagner en confiance en soi, car on se dépasse. Il y a une phase de déséquilibre avec l’apprentissage, que je n’aime pas du tout, mais qui est indispensable. Ce qui a été terrible pour moi avec le Rallye Aïcha des Gazelles, c’est d’apprendre paradoxalement. J’ai pensé très fort à mes élèves à ce moment-là. Une fois que c’était fait, cela m’a semblé presque facile. C’est angoissant car tu ne sais pas par quel bout commencer. C’est aussi accepter l’erreur, avancer en tâtonnant, faire des choix et suivre ses intuitions en se faisant confiance.

Je n’ai pas arrêté de faire le lien entre le rallye, l’enseignement et l’entreprise.

Concernant le Rallye Aïcha des Gazelles plus précisément, il y a eu une rencontre, encore. Il y a souvent des rencontres dans ma vie 😉

Il y a 6 ans, une fille lors d’un dîner nous a parlé de sa participation à ce Rallye. Cette discussion est restée en sommeil et elle m’est revenue d’un seul coup, un jour, lors d’un footing, en novembre 2016. J’avais envie d’un nouveau défi pour à nouveau me sentir capable de réussir un projet et j’ai choisi le domaine sportif.

On était trois à courir ce jour-là et ma copine Emmanuelle m’a tout de suite dit qu’elle était partante.

Il n’y a même pas eu de temps de réflexion, on a commencé les démarches dès notre retour à la maison. En mars 2017, notre association était créée. J’étais alors encore enseignante, en classe de CP.

Il y a eu toute la phase de recherche de sponsors qui nous a demandé énormément d’énergie, c’était un vrai boulot de commerciale. Il a fallu trouver 30 000 euros en bâtissant nous-même un argumentaire, tout l’aspect communication n’étant pas du tout géré par l’association Maïenga qui organise le Rallye. On est en totale autonomie avec nos propres compétences. Cette première étape du projet a représenté un vrai challenge à lui tout seul et nous a donné un moral d’acier.

Nous avons pu nous inscrire en décembre grâce à nos sponsors dont les valeurs et l’état d’esprit ressemblaient à celles du Rallye : l’audace, le dépassement, l’entraide, l’observation et l’ouverture. Nos amis ont aussi toujours répondu présents aux différents événements que nous avons organisés (vide-grenier, after-work, dîner et soirée) et ont été des soutiens fidèles et actifs.

Nous avons suivi des formations à la conduite et à la mécanique pendant quatre jours, à la navigation pendant deux jours (en théorie !;), mais aussi des cours de gestion de l’autre (comment communiquer, comment se mettre d’accord, comment définir des règles…). Sur le Rallye des Gazelles, le but du jeu est d’être le plus autonome possible, pour ne pas avoir à appeler l’assistance. Les apprentissages étaient très variés : comment remonter une roue qui fait 35 kilos, comment placer des données géographiques sur une carte, comment analyser le relief, comment gérer son temps, comment se soigner…Grâce à ces formations, nous sommes arrivées sur la ligne de départ en étant déjà autonomes et prêtes mentalement.

La préparation des sacs était elle-même un exercice. On en avait trois : un sac pour les bivouacs, un pour les transferts avant le départ (9 jours de trajet) et un autre pour ceux après l’arrivée (7 jours de trajet).

On a choisi d’emmener des rations alimentaires pour les déjeuners et les soirs d’étapes-marathon. On rentrait dans notre super bivouac qui évoluait en fonction de notre parcours.

Il y avait environ 200 kilomètres par jour à faire.

Le prologue du rallye est le début où tu te mets en jambe. On y a découvert la compétition, le règlement sportif, l’organisation sur le bivouac (lever à 4h du matin, briefing sportif à 5h : j’avais l’impression d’être sur un camp militaire !). Le briefing comportait un bilan de l’étape précédente et une présentation de la première balise à aller chercher.

On est rentrées assez vite dans le jeu, en ayant toujours en tête la sécurité et la bonne marche de notre voiture.

J’ai trouvé que ce Rallye était très complet : il y a de la réflexion, de l’analyse, de la prise de décision, de la tactique, des paysages grandioses et de l’humain (ce n’est pas de la compétition solitaire). J’étais hyper concentrée, engagée à 100% et j’ai adoré. Tu ne penses à rien, tu es en pilotage automatique et tu cherches à donner le meilleur de toi-même et à te sortir des galères en utilisant toutes tes ressources. Tu prends tout ce qu’on te dit, tu repenses à tes coachs et tu essayes de le transformer du mieux possible. Il y avait une grande liberté car c’est un rallye où tu choisis tout : les risques, le cap, l’énergie, le nombre de balises, etc.

  1. A quels obstacles as-tu été confrontée ?

J’ai du mal à l’expliquer mais je n’ai pas trouvé cela extrêmement difficile comparé  à d’autres choses vécues dans ma vie. Je l’ai trouvé exigeant c’est vrai, mais extrêmement dynamisant. L’objectif était atteignable grâce à une bonne préparation.

C’est surtout la gestion des émotions qui elle, a été difficile (comme toujours!).

Car la limite de ce challenge, c’est l’humain.

On s’est rendu compte que ce qui était difficile, c’était de prendre des décisions communes concernant la trajectoire que l’on allait prendre. Il fallait composer avec nos tempéraments, nos envies du jour, nos énergies…A la fin du rallye, nos humeurs pouvaient changer tous les quarts d’heure.

On avait bien parlé avant notre départ, sur la manière dont on fonctionnait, et heureusement. Ce qui n’a pas empêché une dernière journée de course compliquée Pour moi cela a été difficile : j’étais triste d’avoir abîmé notre 4X4 et déçue de terminer sans pouvoir aller chercher les dernières balises. La journée s’était bien déroulée et vers 17h on s’est plantées; la voiture est restée ensablée deux heures dans les grandes dunes et on a fini par appeler l’assistance mécanique. Il a fallu dormir sur place car il était trop tard pour que les organisateurs viennent nous chercher, et ils ne sont arrivés qu’à 7h30 le lendemain matin ; on a donc pris énormément de retard, qu’on n’a pas pu rattraper par la suite.

Avec du recul, c’était une somme d’erreurs, dont la précipitation (on aurait dû partir avec d’autres personnes) et le manque d’analyse (on n’avait pas pris le repère visuel comme d’habitude). La fatigue a brouillé les bons réflexes que l’on avait pris jusque là.

Cela donne plein de leçons sur qui tu es, comment tu fonctionnes, comment tu t’adaptes…

Chacune de nous a vécu les choses différemment, forcément, et il faut gérer ça.

  1. Qu’est-ce que cela a exigé de toi-même?

Beaucoup de concentration. Cela a été très positif et stimulant pour moi car il y avait plein de choses à analyser en même temps.

Du self control.

De l’organisation.

De l’endurance.

  1. Quelles sont les rencontres qui t’ont le plus marquée dans votre voyage ?

J’ai aimé la diversité des rencontres. Les gazelles ont toutes des profils différents : elles sont gendarmes, femmes d’affaires, chercheuses, infirmières, mariées/non mariées, jeunes, grand-mères, etc. Cela fait des conversations très riches sur le bivouac.

Des binômes avec lesquels on a vraiment bien accroché, qui faisaient également le Rallye pour la première fois.

Certaines avec qui on a partagé le même humour (on a tellement besoin de décompresser !). Le soir, le bivouac est une vraie soupape.

Les binômes mère-fille, car elles semblaient très soudées et respectueuses les unes envers les autres malgré les déceptions. J’ai trouvé cela formidable.

Des organisateurs et formateurs, bénévoles et très impliqués dans le déroulement du rallye. J’ai trouvé des personnes humbles, dévouées et sensibles aux autres. Elles avaient beaucoup de recul sur les situations et un attachement très fort au rallye. Des véritables coachs de vie !

  1. Quels sont les moments clés dans ta vie qui ont pu expliquer ton choix ?

Il n’y a pas vraiment de moments clés mais plutôt mon inconscient qui me guide vers des rencontres et des projets qui me font du bien. Je n’aime pas la routine. Ensuite, je confronte ces choix avec mes possibilités, ma famille, puis je me lance et j’essaye de tenir mes engagements jusqu’au bout.

  1. Quelles sont les valeurs qui guident tes décisions ?

Elles sont beaucoup liées à mon éducation et à mes parents, qui viennent du Nord et du terroir.

Il y a le dépassement de soi, l’attention portée aux autres, l’engagement, le sens de l’effort.

L’humain m’intéresse aussi beaucoup et nourrit ma curiosité.

  1. Quelles sont les leçons que tu retiens de cette expérience ?

Que dans la vie, il faut essayer le plus possible de sortir de sa zone de confort pour apprendre davantage, rencontrer des gens différents de nous. Cela nous aide à comprendre le monde, à se remettre en cause et à voir la différence comme une source de richesse. Les expériences font du bien ; cela permet d’aller au-delà de ses peurs.

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Pour aller plus loin : 

Site du Rallye Aïcha des Gazelles

Page Facebook du Rallye Aïcha des Gazelles

Page Facebook des Gazelles Surprenantes – Equipage 230

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