Bonjour Benoît, peux-tu te présenter ?

J’ai 38 ans, je suis marié et j’ai deux enfants de 8 et 12 ans. Je suis breton et rennais plus précisément !

Peux-tu nous raconter ton parcours ?

J’ai toujours été passionné de gastronomie et d’oenologie.

Quand j’étais enfant, lors des déjeuners du dimanche, mon père m’apprenait à goûter de tout. Je lui dois beaucoup !

On m’a orienté en BEP car je n’étais pas bon à l’école, puis en bac pro commerce. Je me suis épanoui grâce à tout ce que j’ai appris, notamment en vendant des lacets dans des foires. C’est vraiment dommage que ces cursus soient mal perçus ou dévalorisés, car j’ai toujours été heureux professionnellement.

Après un BTS en alternance, durant lequel j’ai travaillé pour une saumonerie artisanale, j’ai travaillé dans le métier de la distribution automatique pendant 10 ans. J’étais chargé d’installer des distributeurs de café dans des entreprises. 

J’avais toujours eu envie de monter une boîte et j’ai cherché ce qui pourrait être en adéquation avec les secteurs qui me plaisaient. Le café de spécialité (café rare et de qualité supérieure) était alors en plein développement. Ça collait avec le fait d’avoir vendu du café à des entreprises pendant 10 ans, ainsi qu’avec mon attirance pour les produits de qualité.  

Pendant mes vacances et sur mes économies, je me suis formé grâce à des stages de torréfaction chez Belco, une entreprise qui importe différents cafés provenant des quatre coins du globe et qui avait le vent en poupe. En 2016, il y a eu la création d’une catégorie MOF (Meilleur Ouvrier de France) dédiée aux torréfacteurs. Cela entraînera peut-être des ouvertures d’écoles de torréfaction par la suite, car pour l’instant il n’y a pas beaucoup de propositions.

Une fois formé, j’ai bénéficié d’une aide de l’Etat pour monter mon entreprise, après avoir demandé une rupture conventionnelle.  Il a fallu environ deux ans afin de concrétiser le projet. Mon associé Sébastien était auparavant contrôleur de gestion, ce qui m’arrange bien car je ne suis pas du tout matheux ! Il était également en reconversion, dans le domaine de la restauration. En discutant, on s’est rendus compte qu’on avait tout intérêt à travailler ensemble. Je pense qu’une association a toutes les chances de réussir lorsque les associés n’ont pas les mêmes compétences. 

En novembre 2015, la décision fut prise de se lancer. Le 1er septembre 2016, je ne faisais plus partie des effectifs de mon ancienne entreprise, et le 25 novembre, on ouvrait notre coffee shop «Bourbon d’Arsel » dans le centre de Rennes. Ce nom a pour origine les premiers caféiers français qui ont été plantés par Guillaume d’Arsel sur l’île Bourbon (ancien nom de la Réunion). Sur place, nos clients peuvent acheter et consommer du café torréfié par nos soins, ainsi que d’autres boissons (thé, jus de fruits…). Ils peuvent également se restaurer à l’heure du déjeuner et du goûter (tartes, salades, gâteaux…). 

Aujourd’hui, 60% de notre chiffre d’affaire mensuel provient des professionnels (vente de cafés mais également de machines, pour des bureaux ou des restaurants), ce qui nous a sauvé avec le Covid. On peut aussi collaborer avec d’autres entreprises, à titre d’exemple on a réalisé une bière au café avec la brasserie Skumenn et une tarte sucrée avec la boulangerie rennaise Coupel. On organise également des ateliers de dégustation, avec des tests à l’aveugle.

Comme on se diversifie, on a aujourd’hui 3 employés pour nous aider au quotidien (service, cuisine, prospection et livraison pour les professionnels). 

On a la chance d’avoir une clientèle fidèle, il y a même parfois des particuliers qui déjeunent ailleurs et qui viennent ensuite chez nous prendre leur café. 

C’est pour nous une belle reconnaissance de notre sélection et de notre travail !

On est attentifs aux souhaits et aux retours de nos clients, et on essaie de s’adapter au mieux à leurs attentes. C’est un peu comme un jeu de trouver le café qui va réellement leur convenir. 

Peux-tu nous en dire un peu plus sur ton métier et les cafés de spécialité ?

Chez Bourbon d’Arsel, on fonctionne avec une gamme permanente de cafés, récoltés maximum un an avant, ce qu’on appelle le café vert. C’est l’inverse du vin qui se bonifie avec le temps.

Autrefois, on privilégiait la quantité à la qualité. Aujourd’hui, si tu veux te démarquer et te permettre d’afficher des tarifs plus élevés, il faut au contraire mettre en avant cette qualité. Un peu comme dans le milieu viticole, le café a connu des périodes difficiles, et une des façons de rebondir a été de mettre en avant les cafés de spécialité. Aujourd’hui, ces cafés sont vraiment rentrés dans les habitudes des gens, et, il ne faut pas avoir honte de le dire, essentiellement grâce à Nespresso. Ils les ont démocratisés en les présentant au grand public et en les rendant plus accessibles.

ll y a un organisme, qui s’appelle la SCA (Specialty Coffee Association), qui note ces cafés de spécialité sur 100. Chez Bourbon d’Arsel, nous sélectionnons des cafés qui ont une note de minimum 84 au classement, qu’on va sélectionner en fonction de nos envies et des besoins de nos clients. On peut créer des assemblages, qui plaisent en général à un maximum de monde.

Comme pour le vin, on fait attention à telle variété, tel cépage. Par exemple en Ethiopie, il va y avoir des grands arbres pour protéger les caféiers, qui sont les arbustes portant les grains de cafés. Cela va permettre aux cerises (fruits du caféier, qui comportent chacune de la pulpe et deux grains de café) de mûrir doucement, ce qui est gage de qualité. 

Concernant la récolte, il y a deux méthodes : le picking (sélection manuelle) et le stripping (sélection mécanique).

Une fois les cerises de café récoltées, elles vont être préparées selon trois méthodes en fonction de ce qu’on recherche (acidité, teneur…) : nature (on les laisse mûrir au soleil, ce qui donne un peu plus de corps), lavée (on ne garde que le grain, qui va fermenter dans l’eau, ce qui va donner un peu plus d’acidité), honney (entre les deux, pour des raisons écologiques).

Après, les grains sont mis dans des sacs qui viennent des différents coins du monde, puis affrétés par bateau. Ils passent par un sourceur (Belco pour nous), mais aussi par les exploitations de café directement (on les appelle des fermes).

Concernant la torréfaction, c’est un vrai apprentissage, car il existe différentes variétés botaniques selon leur altitude, qui nécessitent des torréfactions différentes. Le café ne peut être cultivé qu’entre les deux tropiques, pour des raisons climatiques. Au Brésil, c’est en majorité de l’arabica (au-dessus de 800m). Au Vietnam, c’est en majorité du robusta (en-dessous de 800m). Mais cela n’est pas forcément gage de qualité. En Ethiopie par exemple, pays d’origine du café, il existe de très beaux cafés, plus complexes aromatiquement.

Ce que les gens ne savent pas, c’est que les cafés d’altitude sont moins chargés en caféine, qui est une protection contres les insectes. Donc par définition, les caféiers plus bas sont plus attaqués par ces insectes, donc plus chargés en caféine. Et lorsqu’on est sensible à la caféine, contrairement aux apparences, il vaut mieux privilégier un espresso qu’un café long, qui est souvent plus chargé en caféine, comme c’est le cas pour les cafés américains. Plus il est soluble à l’eau, plus il a de caféine.

Quels sont tes projets ?

La refonte de notre site internet, qu’on externalise. 

La labellisation bio, indispensable aujourd’hui.

L’embauche d’autres salariés pour prendre le relai concernant la torréfaction et le commercial.

Que ferais-tu différemment ?

Concernant notre clientèle de professionnels, je prospecterai davantage, dès le début.

Comment surpasses-tu tes moments de doute ? 

J’écoute, je prends du recul. Je suis plutôt quelqu’un qui réagit à chaud et l’entrepreneuriat m’a aidé à être moins sanguin.  

Qu’est-ce que cela exige de toi ?

Cette prise de recul, et du temps, en sachant qu’au début on travaille deux fois plus qu’avant en étant payé deux fois moins ! 

Quand on est entrepreneur, la fausse idée est de croire que cela va nous rendre libre. C’est l’inverse, on est enchaîné à son boulot.  J’espère que ma famille n’en souffre pas trop, d’autant plus que tout ça, je le dois à ma femme. C’est elle qui me soutient, qui m’accompagne. 

Quelles sont les valeurs qui guident tes décisions ?

La famille, l’honnêteté, la réactivité, l’efficacité, la passion.

Je me suis rendu compte que la plupart des personnes qui réussissaient dans ce métier sont des passionnés. La clé, c’est de travailler sans avoir l’impression de travailler. 

Quels sont les enseignements que tu retiens de ces dernières années ?

Si c’était à refaire, je le referai sans hésiter une seconde! Je trouve cela génial. Chaque matin, je me demande quelle va être ma journée, et c’est assez excitant. Même si parfois, c’est pour affronter des problèmes, mais ça c’est la vie !

Un ami m’avait dit un jour : « Quand on créé une boîte, c’est un peu comme un enfant qui apprend à marcher : au début, cela va lui sembler difficile, mais après, au fur et à mesure, les pas deviennent de plus en plus faciles. » C’est en effet une super école pour apprendre à mieux se connaître, à se surpasser et à gagner en confiance en soi.

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