Peux-tu te présenter ?
J’habite à Genève, j’ai 35 ans, 3 enfants, et bientôt 4 ! J’ai créé en 2018 la marque de bijoux Camille de Soos, qui est mon nom de jeune fille.
Peux-tu nous raconter ton parcours et la création de ton entreprise ?
J’ai toujours été attirée par le manuel, les arts de manière générale, malgré un parcours plutôt classique et une formation littéraire. Je fabriquais des bijoux depuis l’enfance, et j’ai suivi une option arts plastiques pendant tout mon lycée, avec une super prof qui me challengeait beaucoup. Elle m’a notamment formée sur l’Histoire de l’art et les mouvements artistiques, ce qui m’a permis d’avoir une base de données dans laquelle je pouvais piocher si besoin. Cela m’a appris à identifier ce qui me plaisait, ce qui me parlait, ce qui m’inspirait.
Le bac en poche, j’ai tenté d’intégrer Olivier de Serre, une école réputée d’arts appliqués. J’avais déjà en tête la création de bijoux, mais c’était important pour moi d’intégrer une formation plus généraliste, au cas où je souhaiterai finalement changer de domaine.
J’ai été recalée à 3 places près. A ce moment-là de ma vie, c’était un véritable échec, car je n’envisageais pas d’autre option. Avec du recul, je me suis rendue compte qu’une prépa était en général indispensable pour entrer dans ce genre d’école.
Je suis rentrée à la Sorbonne en lettres modernes, par dépit. Par un concours de circonstances, je suis tombée sur les portes ouvertes de ma future école d’architecture (Paris Malaquais Val de Seine).
Dans un coin de ma tête traînait le métier d’architecte d’intérieur, car j’y étais sensible. Selon moi, il y avait un lien entre les arts, le savoir-faire artisanal et l’architecture d’intérieur. Il y a un vocabulaire commun, mais des échelles différentes. J’appréhendais uniquement les matières scientifiques ! A juste titre, car les trois premières années d’école ont été difficiles, mais j’ai quand même terminé avec les félicitations du jury, comme quoi s’accrocher porte ses fruits.
Ce qui me boostait, c’était la certitude que ces études allaient m’être utiles et qu’il fallait que j’aille jusqu’au bout, même si je n’étais pas certaine de devenir architecte. Le fait d’être poussée dans mes retranchements, en me mettant en difficulté avec un profil de littéraire, m’a permis de gagner en confiance en moi.
En juin 2010, j’étais diplômée, sans trop savoir vers quoi me tourner. J’avais envie de confronter mon métier au terrain rapidement, et si possible en humanitaire. Je suis partie en Haïti avec « Architectes de l’urgence » en décembre 2010, et je suis revenue en juillet 2011, un peu plus tôt que prévu pour privilégier ma vie de couple. C’est à partir de ce moment-là où ma vie personnelle a commencé à empiéter sur ma vie professionnelle, ce qui était clairement un choix, mais ce qui va expliquer beaucoup de choses par la suite ! Les 7 mois là-bas ont été intenses, avec un environnement pas très serein et parfois dangereux, mais je repense souvent à cette expérience en me disant que c’est un socle de mon parcours. C’est un moment où j’ai compris à quel point j’avais besoin de mettre du sens dans mon boulot. J’essaie souvent de me le rappeler.
A mon retour en France, je fais quelques missions informelles d’architecture d’intérieur et je prépare mon mariage, qui a lieu en juillet 2012, ainsi que notre départ aux USA (Philadelphie). Ce départ n’a pas été facile à accepter pour moi, malgré le fait que cette expérience allait forcément être enrichissante. Je savais que je ne pourrai pas exercer là-bas, pour des raisons de visa, ce qui me frustrait beaucoup. Je me suis donc inscrite à des cours d’architecture d’intérieur, ce qui m’a permis d’obtenir un diplôme supplémentaire et de travailler mon anglais.
Nous sommes ensuite partis pour Londres, en avril 2014, avec une petite Raphaëlle de six mois. J’ai commencé à postuler pour trouver un job, mais un petit bébé surprise a modifié mes plans !
A partir de septembre 2015, lorsqu’Augustin a eu cinq mois, j’ai eu l’opportunité de travailler dans une petite agence d’archi. Puis nous avons déménagé à Genève, où j’ai retrouvé un nouveau poste en février 2017.
Je me suis vite rendue compte qu’avec un mari souvent absent, deux enfants en bas âge et un rythme de boulot intense, cela allait être compliqué. J’avais en tête une autre option, celle de créer mon entreprise.
Le déclic a été la perte de ma belle-mère, en mai 2017. Elle, dont j’étais proche et que je consultais pour pas mal de choses, m’a avoué 3 jours avant sa mort que ce à quoi elle pensait sans cesse, ce n’était pas à sa carrière ni à ses dossiers gagnés, mais à sa famille, à ses amis. Cette discussion, comme un électrochoc, m’a donné envie de revenir à l’essentiel, quitte à renoncer à un parcours professionnel plus classique.
Comme j’ai toujours été passionnée de bijoux, et que sur certains aspects cela rejoignait le domaine de l’architecture, j’ai lancé en janvier 2018 tout un travail de réflexion autour de la création d’une marque de bijoux : premières esquisses, choix du nom, prise de contacts, recherche d’atelier de production etc. Un peu en amont, en décembre 2017, j’ai fait une formation accélérée à l’Ecole du Louvre, en bijouterie.
J’avais envie de lancer la marque rapidement, quitte à me tromper. J’ai pu sortir 3 collections fin 2018 et organiser des ventes privées afin de me confronter aux réactions de mes premières clientes.
A présent, je réfléchis à une évolution possible de mon entreprise, pourquoi pas vers le précieux.
Comment surpasses-tu tes moments de doute ?
En écoutant des témoignages d’entrepreneurs sur des podcasts, comme « Le gratin » de Pauline Laigneau par exemple.
En échangeant avec des amis ou mon mari, ce qui me permet de prendre du recul, d’identifier clairement les problèmes de mon quotidien pour y apporter des solutions.
Qu’est-ce que cela exige de toi ?
Une prise de recul et une analyse de mon travail au quotidien, une remise en question permanente. C’est tout sauf reposant ! Cela ne convient pas à toutes les personnalités, mais l’important c’est que cela corresponde aux priorités que l’on se fixe.
Quelles sont tes valeurs ?
Avoir de la liberté dans ma créativité.
Retrouver ma personnalité dans ce que je crée.
Mettre en valeur un savoir-faire artisanal.
Enfant, comment voyais-tu ta vie d’adulte ?
Tantôt archéologue, tantôt bonne soeur, pompier ou créatrice de bijoux, j’avais beaucoup d’imagination pour ma vie future, mais une recherche principale : l’intensité !
Je m’imaginais également maman assez jeune.
Finalement, j’ai très souvent suivi mon instinct, en me laissant guider par les étapes de ma vie personnelle, en saisissant les opportunités lorsqu’elles se présentaient, en essayant de ne pas avoir peur de l’échec (même si j’ai quand même un grand besoin de reconnaissance!).
Quels sont les enseignements que tu peux tirer de ces dernières années ?
Mon piège, c’est d’être en compétition envers moi-même, heureusement que mon mari est là pour me calmer à ce sujet !
D’autre part, ce qui me semble important quand on lance son entreprise, c’est d’être endurant, de savoir prendre du recul, de rester humble dans les moments plus difficiles, d’aimer le défi, de savoir cloisonner les moments sur une journée, et enfin (et surtout!), d’avancer une marche l’une après l’autre. C’est comme ça que finalement, sans s’en rendre compte, on arrive à atteindre des objectifs qu’on n’oserait même pas se fixer.
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