Arnaud et Clotilde ont traversé une partie de l’Asie durant 7 mois (du 1er janvier au 14 juillet 2016), accompagnés par trois de leurs enfants.
- Bonjour Arnaud et Clotilde, pouvez-vous vous présenter ?
A : j’ai 35 ans, je suis originaire de Bordeaux, on s’est installés à Paris après s’être rencontrés pendant nos études avec Clotilde en 2003. Je travaille dans le monde du digital (Google) depuis un certain nombre d’années.
C : j’ai 35 ans également, je suis originaire de Lyon et je viens d’une famille de 4 filles. Je travaille depuis 10 ans chez Barilla.
A et C : on a maintenant 4 enfants : Maxime & Gaspard (7,5 ans), Joséphine (5,5 ans) et Colombe, née l’été dernier.
- Pouvez-vous nous parler de votre projet ?
A : on a eu nos 3 premiers dans une vie parisienne frénétique. Depuis longtemps, on voulait faire un stop, profiter un peu plus des enfants et mixer cela avec un voyage. C’est une idée qu’on avait même avant de devenir parents. On est partis en vacances en Thaïlande un an avant avec des copains et on s’était dit qu’on prendrait une décision pendant ce voyage. On voulait discuter ensemble de notre prochain grand projet de vie : soit un départ à l’étranger, soit un déménagement en province, soit cette idée de voyage.
C : cela faisait longtemps qu’on était sur nos postes, tous les deux dans des grosses boîtes, donc avec une possibilité d’avoir un congé sabbatique. Nos enfants avaient 3,5 ans (Joséphine) et 5,5 ans (Maxime et Gaspard), on trouvait que c’était des âges faciles, curieux, adaptables. Il n’y avait pas de trop grosses contraintes au niveau scolaire (ils étaient tous en maternelle), je pouvais donc facilement leur faire l’école sans que cela me stresse.
A : on savait qu’il ne fallait pas attendre que tous nos voyants soient au vert. Il aurait peut-être fallu pour certaines choses que les enfants soient plus vieux, qu’on ait un peu plus de temps…Mais pour autant, c’était le moment où on avait probablement le moins de voyants rouges, donc on s’est dit qu’il fallait y aller. En avril 2015, en rentrant de notre voyage en Thaïlande, on s’est mis d’accord pour partir grosso modo l’année suivante (nous sommes partis en janvier 2016) et pour prendre le temps de définir l’endroit du monde où on voulait aller, le format qu’on voulait choisir.
C : il y a une phrase qu’on a découverte pendant le voyage, qui était inscrite sur un casque de moto et que je trouve très parlante, c’était « We travel not to escape life but for life not to escape us » (« on ne voyage pas pour échapper à la vie mais pour ne pas que la vie nous échappe »). La vie avance tellement vite et on veut en profiter, ne pas avoir de regrets, notamment avec nos enfants et tout ce qu’on a à partager avec eux.
A : beaucoup de personnes nous ont demandé si le retour n’était pas trop dur. Ce qui était important pour nous, c’était de voir notre projet comme une parenthèse, avec l’objectif très clair de vivre quelque chose en famille et de profiter des enfants. Donc quand on est rentrés, on était contents de retrouver nos vies car on n’est pas partis pour la fuir ou aller chercher quelque chose qu’on n’avait pas en France. Cela change tout de le vivre comme ça.
Pour reprendre la chronologie de notre voyage, une fois qu’on avait pris notre décision, on est allés voir nos entreprises en avril 2015 pour valider auprès d’elles la faisabilité de notre projet. A partir de là, on a avancé en cochant les points d’organisation un par un, sous forme de discussion un peu permanente. Chacun essayait d’avancer de son côté.
C : il nous restait 7 mois pour nous organiser, ce n’était pas énorme mais tant mieux car on allait à l’essentiel et sinon, on aurait été ultra impatients. On a construit beaucoup de choses sur place. En amont, le vrai gros boulot concernait le camping-car : l’acheter, gérer l’envoi par cargo jusqu’en Asie. Après pour le parcours, on a pris des billets d’avion uniquement pour l’aller et on s’est dit qu’on construirait notre parcours sur place, en fonction des rencontres qu’on allait faire, des pays qu’on allait traverser. En revanche, on avait prévu de faire 5 mois en Asie et 2 mois en Australie, mais finalement on est restés 7 mois en Asie. Tout d’abord parce que financièrement, cela nous rajoutait 15000 euros juste pour le transport du camping car ; on a réalisé que cela pourrait faire l’objet d’un autre voyage, en louant un camping-car sur place. Et aussi, car on a préféré prendre notre temps en Asie. Donc finalement, on a fait 5 mois en camping car puis on l’a renvoyé en France et on a fait 2 mois en sac à dos dans les pays qu’on ne pouvait pas visiter autrement (le Vietnam par ex, Bali, l’Indonésie).
A : ce qu’il faut retenir, c’est que rien ne se passe comme prévu, donc il faut être adaptable, détente, flexible. C’est une sorte de philosophie de vie aussi, accepter que tout ne se passe pas comme prévu.
C : le choix du camping-car était vraiment lié au projet familial. On voulait en profiter à notre rythme, avoir nos affaires à portée de main en les transportant facilement. On referait exactement la même chose. On l’avait baptisé Nestor ; « nest » signifie nid en anglais, donc c’était notre petit nid en or. Les enfants ont adoré y être, c’était leur petite maison, on a pu emmener leurs jouets, leurs livres en français. Cela a créé un cocon de 17m2 dans lequel tout le monde était rassuré, où on était tous ensemble, sans être dépendants des horaires de transports etc. On avançait à notre rythme et on allait encore plus facilement à la rencontre des locaux, on sortait plus facilement des sentiers battus et des endroits très touristiques.
A : en amont de notre voyage, beaucoup de gens nous ont dit que les routes étaient toutes pourries en Asie et que le voyage en camping-car n’allait pas être possible. Du coup, on a rencontré d’autres couples qui avaient voyagé dans ces conditions et qui nous ont non seulement dit que c’était possible, mais que c’était sans-doute la meilleure option pour ne pas avoir de contraintes avec les transports. Leurs témoignages ont été très précieux et nous ont fait gagner des mois de préparation. Quand on voyage en sac à dos, on passe son temps à trouver l’étape d’après, à acheter son billet de train, à courir après un avion… On ne voulait surtout pas ça. Et d’ailleurs, on reprend la même formule pour l’été prochain en Californie.
C : Une fois sur place, on a vraiment vécu avec ce qu’on avait sous la main, on a toujours mangé local, on dormait là où on pouvait. Le budget total était de 60 000 euros, une bonne partie était allouée au camping-car et à son transport ; sur place, on dépensait entre 1000 et 1500 euros/mois pour nous 5.
A : Une des raisons pour lesquelles on a choisi l’Asie, c’est pour la sécurité. On a jamais ressenti une once d’insécurité dans les pays qu’on a traversés, et c’était un de nos critères. On avait hésité avec l’Amérique Latine, mais on avait entendu pas mal d’anecdotes assez dures.
C : maintenant, on est rodés, cela pourrait être un prochain défi.
- A quels obstacles avez-vous été confrontés ?
A : Il n’y en a pas énormément; celui auquel je pense est surtout logistique. Le fait de voyager avec un camping-car acheté en France, qu’on a envoyé en Asie, cela nous a amené à des problématiques qu’on n’avait jamais traitées auparavant. Sur place, on a eu de la chance, on aurait pu avoir des problèmes mécaniques, mais rien. On avait acheté plein de pièces de rechange au cas où et on était prudents ; on avait par exemple un principe, c’était de ne jamais conduire la nuit et de toujours trouver un endroit où dormir tant qu’il faisait jour, en demandant aux locaux si c’était possible. On ne voulait pas d’embrouilles avec eux, nous faire virer pendant la nuit, que cela dégénère.
C : on a un enfant qui s’est ouvert la tête, mais coup de chance, on était à Bali pour une nuit à ce moment-là et donc on a eu accès rapidement à un hôpital international. Sinon, les enfants avaient certaines règles à respecter, qui étaient affichées dans le camping-car : ne jamais toucher les animaux, ne jamais boire de l’eau sans demander aux parents, toujours être visible des parents, « ranger » son coin, faire l’école tous les jours avec maman…
- Comment avez-vous réagi face aux différents points de vue de votre entourage ?
C : très vite, on a été rassurés par les couples qu’on a rencontrés et qui étaient déjà partis avant nous. Après, beaucoup nous disaient qu’on était courageux, mais nous on se disait qu’on était surtout chanceux.
A : ce qui est drôle, c’est qu’au retour, les gens cherchent à savoir s’il n’y a pas un truc qui s’est mal passé. Comme s’il y avait une sorte d’envie de se rassurer sur le fait que s’ils ne l’ont pas fait, c’est pour une bonne raison. On avait fini par préparer des points clés pour répondre aux différentes questions.
- Qu’est-ce que cela exige ?
A : De la flexibilité, car il faut accepter l’imprévu et s’adapter.
C : De l’ouverture aux autres et du lâcher prise. J’ai mis 15 jours-3 semaines à y arriver, au début je voulais tout prévoir, comme si on partait une semaine.
A : moi j’ai réalisé plus vite que ce que l’on s’apprêtait à vivre, c’était une tranche de vie et non pas des vacances. Du coup, on a beaucoup moins la pression du temps, ce qui nous a poussés à accepter d’avoir des temps morts, comme on a d’habitude dans notre vie de tous les jours.
C : une fois, on est restés une semaine au bord d’une plage avec aucun attrait touristique, chose que je n’aurai jamais imaginée avant. Finalement, on était juste bien.
A : il faut aussi pas mal s’asseoir sur ses préjugés, que ce soit avec les autochtones ou les voyageurs que l’on a croisés. Nous avons tissé des liens extrêmement forts avec des personnes que l’on n’aurait sans doute jamais croisées en France, et nous étions très lucides entre nous. On s’est focalisés sur nos points communs, et non sur nos différences.
- Quels sont les moments clés dans votre vie qui peuvent expliquer votre choix ?
A : quand on a fini tous les deux nos stages de fin d’étude, Clotilde a voulu partir faire un break et voyager. Moi je me suis dit que c’était beaucoup plus raisonnable de commencer à travailler tout de suite, en acceptant les offres qui nous étaient proposées. Elle est partie un mois au Mexique. Plus les années ont passé, plus je me suis dit qu’elle avait eu raison à l’époque et je lui ai dit. J’ai réalisé que je ne voulais pas passer à côté d’une deuxième occasion.
C : on n’avait pas le même background sur les voyages. Arnaud a des parents plutôt sédentaires alors que les miens sont partis chaque année depuis que je suis toute petite.
A : quand on a eu nos enfants, on a relativisé sur beaucoup de choses ; on a eu le sentiment de peu profiter d’eux, de ne pas les voir grandir, cela a été le déclencheur pour se recentrer sur nous. Encore maintenant, on essaye de privilégier des moments en famille, rien qu’entre nous.
C : on prend le temps aujourd’hui, j’ai pris un congé parental pour notre 4ème, Arnaud a créé une whish list avec ce qu’il veut réaliser dans sa vie…
- Quelles sont les rencontres qui vous ont le plus marqué dans votre voyage ?
C : on a rencontré une famille de Français avec 3 enfants, qui voyageait dans les mêmes conditions que nous (en camping-car) avec qui on a tout de suite accroché ; on a fini par se retrouver dans les mêmes pays, parfois même à passer dix jours ensemble sur certaines étapes. Mais sinon, les belles rencontres avec les locaux se comptent par dizaines… impossible d’en privilégier une plus qu’une autre…
A : celle qui m’a le plus marquée est avec un prêtre philippin au Cambodge. On a dormi 3 nuits dans la cour de sa paroisse. J’étais très admiratif et j’ai pris conscience de la souffrance de ce pays à l’époque des Khmers Rouges, au travers de ses explications et du sens de sa mission. Cela m’a pas mal remis en question et remué, par rapport à ce que je peux faire pour les autres. Je lui envoie encore aujourd’hui des emails.
- Quelles sont les valeurs qui guident vos décisions ?
A : la famille, l’ouverture et le respect des autres, l’enthousiasme et la joie de vivre.
C : il y a aussi le courage, le fait d’aller jusqu’au bout, de ne pas regretter et de toujours se dire qu’on peut y arriver. C’est ce qu’on essaye d’inculquer à nos enfants, même dans des choses aussi simples que l’apprentissage d’une poésie !
- Qu’est-ce que cela vous a le plus apporté ?
C : cela m’a confortée dans le fait que ma priorité du moment, c’est ma famille et que toute la pression qu’on se met au boulot n’en vaut pas la peine, qu’il faut trouver un bon équilibre entre la vie perso et la vie pro. On s’était laissé embarquer dans notre quotidien, qu’on faisait subir aux enfants. Je relativise plus sur l’importance du boulot dans notre équilibre. Un deuxième point, c’est que cela me donne encore plus envie de voyager, d’en profiter. Quand on est partis, je m’attendais à être éblouie par les paysages qu’on allait traverser, le fait de prendre le temps. Finalement, ce qui m’a le plus bluffée, ce sont les rencontres qu’on a pu faire, à la fois des locaux mais aussi des voyageurs avec qui on a partagé des moments d’exception. J’ai réalisé à quel point les gens peuvent être bons, et à Paris, on a tendance à l’oublier. Là-bas, les gens n’avaient rien et partageaient tout avec nous, on pouvait échanger pendant des heures sur nos cultures, nos vies… Je pense aussi à une meilleure connaissance de mes enfants, notamment en leur faisant l’école tous les jours. Je sais dans quels domaines ils auront des facilités, et d’autres moins. Je pense que je pourrai mieux les aider. J’appréhendais un peu cette partie-là, je ne voulais surtout pas qu’à cause de nos projets un peu loufoques, ils aient du retard à leur retour à l’école. En réalité, tout s’est super bien passé, et j’ai même pu prendre le temps de leur apprendre à lire avant leur entrée au CP. J’ai adoré ce rôle ad intérim de maîtresse. En plus, ils avaient gardé contact avec leurs camarades d’école en envoyant des cartes postales, en organisant un échange sur skype. Quand on est revenus, les maîtresses nous ont dit qu’elles s’étaient beaucoup appuyées sur notre projet, notre blog. La durée de notre voyage était idéale pour ça, les enfants n’étaient pas trop déconnectés, on est rentrés pour les vacances d’été en France donc ils se sont remis doucement dans le bain.
A : de mon côté, j’ai le sentiment d’avoir vécu une expérience familiale et culturelle fantastique, avec des souvenirs plein la tête. On est très fiers d’avoir fait ça. Pour autant, ce que j’en retire, ce ne sont pas forcément des choses palpables ni racontables. J’ai juste le sentiment qu’on a un lien familial probablement plus fort aujourd’hui ; cela passe par le fait qu’on a le sentiment de mieux connaître nos enfants, qu’on a été très soudés pendant le voyage et qu’on l’est restés. Les enfants en parlent tout le temps. On essaye d’entretenir leurs souvenirs, en leur posant des questions, en leur montrant des photos. La suite au prochain épisode… 😉
Vidéo « ZeGreaTip »
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